suite aux incendies volontaires ayant touché nos installations
Retour sur les événements et leurs conséquences
Durant les nuits des 3 et du 4 avril des incendies volontaires ont eu lieu sur des installations électriques desservant les usines de ST Microelectronics (Crolles) et de Soitec (Bernin).
Même si beaucoup de questions restent aujourd’hui en suspens, il est évident que ces actes inconsidérés auraient pu générer une catastrophe humaine et écologique majeure dans la Vallée du Grésivaudan. En effet, nous rappelons que nos deux sites de production sont classés SEVESO, respectivement seuil haut et seuil bas. Même si, fort heureusement, les conséquences ne sont aujourd’hui que matérielles pour nos entreprises grâce à l’activation efficace des systèmes de sécurité, cette rupture d’alimentation brutale aurait pu être dramatique. Aucune idéologie ne mérite de mettre en danger la vie des travailleurs et c’est pourtant ce qui a été fait… Depuis les incidents, l’ensemble des salarié.e.s, de nos entreprises et de toutes les entreprises sous-traitantes, sont “sur le pont” avec les risques associés (surcharge de travail, sursollicitation…) pour faire face à la situation et permettre le retour à la normale de nos activités. Nous saluons leur travail et leur implication.
Enfin l’endommagement du pont de Brignoud et sa fermeture pendant des mois va engendrer des difficultés majeures pour les citoyens mais également pour les entreprises locales qui n’ont rien à voir avec les infrastructures visées et qui n’ont surtout pas la solidité économique de ST et SOITEC.
Les causes avancées et l’analyse CGT
Si les hypothèses actuelles se confirment, ces actes seraient liés à une mouvance autour de la critique des nanotechnologies. Sans chercher aucunement à justifier ce qui a eu lieu, il nous est toujours apparu nécessaire de ne pas rester sur une position corporatiste vis-à-vis de notre filière et nous devons voir plus loin que la seule défense de nos emplois, car avant d’être salariés, nous sommes des citoyens.
Ainsi nous tenons à dire que la CGT, au-delà de son activité de terrain dans nos entreprises, prône un changement de société. On parle de “double besogne” entre les aspirations et revendications légitimes des salariés au quotidien et le plus long terme, visant, entre autres, une transformation sociale.
Avec l’augmentation continue et démultipliée des capacités de calcul offertes par les
semiconducteurs, les applications potentielles sont énormes et ces dernières bouleversent déjà des pans entiers de notre société : information/communication, santé/biologie, transport, énergie, travail, loisir, défense… Dans chacun de ces secteurs, les finalités peuvent aller du meilleur au pire en passant par le futile voire l’inutile. Ainsi la collecte et la gestion d’une multitude de données permises, entre autres, par l’avènement de la 5G et de l’Intelligence Artificielle (IA), doivent être encadrées par des décisions politiques qui n’appartiennent ni aux dirigeants, ni aux salariés, ni aux syndicats des entreprises clés du secteur. Malgré la difficulté que cela peut constituer au vu de l’organisation de notre filière, à la fois mondialisée et transverse, car présente aujourd’hui partout (industrie, services…), ces choix doivent
impérativement émaner des citoyens via des instances démocratiques dédiées. Cela va bien au-delà des quelques débats très superficiels dédiés (quand ils ont lieu) visant l’acceptabilité sociale sans laisser de place à la réflexion critique.
Aujourd’hui la maximisation des profits guide la très grande majorité des développements des nanotechnologies avec tous les risques sociétaux et écologiques que cela peut engendrer. Les États et les différents acteurs publics censés nous représenter ne jouent pas suffisamment leur rôle dans un secteur ultracapitalistique et opaque où les logiques économiques sont toujours privilégiées. Alors que le scandale des cabinets d’experts et de lobbying privés dont McKinsey éclabousse jusqu’au plus haut sommet de l’Etat, comment espérer modifier cet état de fait ?
Ensuite, dans le contexte de grave crise environnementale qui est le nôtre, les impacts multiples de nos productions sur notre écosystème sont majeurs (extraction de métaux rares, consommation d’eau et d’énergie, pollutions diverses…) et doivent être interrogés par des organismes complètement indépendants de la sphère d’influence des mastodontes du numérique (semiconducteur et secteurs applicatifs en aval). Depuis quelques années les communications de ces derniers s’apparentant à du greenwashing se multiplient alors que la situation est critique. Si on considère, par exemple, uniquement les émissions de Gaz à Effet de Serre (GES) à l’origine du dérèglement climatique, le numérique est déjà responsable de plus de 4% des GES (environ 8% dès 2025 ⇒ évolution exponentielle) sachant que 80% des émissions de la filière sont liées à la fabrication des appareils numériques et 20% à leur utilisation.
Quelques propositions de la CGT SOITEC :
° concernant la sécurité de nos installations classées SEVESO, et même si les systèmes de secours ont fonctionné cette fois-ci, est-il normal que ces sites soient aussi fragiles vis-à-vis d’un tel acte de malveillance ? Nous demandons donc qu’un audit de sécurité complet soit réalisé au plus vite concernant la sécurité de nos sites et la résilience vis-à-vis des différents événements pouvant impacter la sécurité des travailleurs, des citoyens et l’environnement.
° la mise en place d’un observatoire ou convention citoyenne des nanotechnologies intégrant des citoyens, des salariés, des acteurs publiques et des experts (issus des sciences dont nanotechnologies et environnement, sociologie, éthique/philosophie…) permettrait d’aboutir à des préconisations sur le sujet dont la gestion des externalités négatives réelles et potentielles de la filière (empreinte écologique, impacts sociétaux…).
° accroître la souveraineté de la France et de l’UE sur les nanotechnologies pour être capable de décider des orientations à prendre et ne pas subir les choix d’autres nations/régions dans une activité ultra mondialisée et concurrentielle pour laquelle il existe, par exemple, des risques en termes de cybersécurité (protection des populations et des infrastructures).
° un suivi beaucoup plus transparent de l‘impact écologique de nos activités industrielles et de l’utilisation des produits numériques par la mise en place de cabinets indépendants dédiés et par des prérogatives renforcées pour les Comités Sociaux et Économiques (CSE) des entreprises concernées. Ceci est d’autant plus pertinent avec les extensions en cours de certains sites (ST
Microelectronics à Crolles, SOITEC à Bernin…)
° la mise en place de politiques volontaristes avec des objectifs chiffrés et contraignants visant à allonger la durée d’usage des équipements numériques à travers la durabilité des produits, le réemploi, le reconditionnement, l’économie de la fonctionnalité ou la réparation. La relocalisation des productions et des mesures protectionnistes (au niveau national et/ou européen) doivent être envisagées pour obtenir des résultats réels sur le sujet.
° l’arrêt du Crédit Impôt Recherche (CIR) et sa gabegie associée afin de financer des pôles publics de recherche en lien avec les entreprises privées (modèle du CEA avec une indépendance accrue) et un conditionnement des aides versées aux entreprises à des projets répondant aux besoins réels des populations.
Exemple : projet d’une filière d’imagerie médicale porté par la CGT de Thalès et soutenu par les professionnels de santé // inclus dans le dernier avenant du contrat national de filière ITS [Industries et Technologies de Santé].
Le tract ICI
La CGT SOITEC, le 13 avril 2022